« Pythagore et l’approche transpersonnelle »
Dr Jean Dierkens Professeur à l’Université de Mons
Brève définition de l’approche transpersonnelle :
Pour décrire le champ du transpersonnel nous définirons une série de « postulats », de conventions de départ.
A) Les structures essentielles liées à la constitution de l’univers sont immédiatement accessibles à l’esprit humain, grâce à l’existence dans sa psychè d’archétypes préalables à toute expérience personnelle, dynamisant son corps et sa pensée, reflets synchroniques des lois physiques fondamentales
Le transpersonnel a le Réel pour objet de connaissance privilégié et non la réalité.
Par Réel, nous entendons l’univers tel qu’il existe en dehors de toute captation signifiante d’origine humaine.
La réalité est ce que l’homme perçoit en analysant et construisant des discours (scientifiques ou non) à partir des clés sensorielles dites » objectives « ; cette réalité peut correspondre à un aspect très utilitaire, mais elle ne permet pas de saisir ni les causes ni les finalités des phénomènes.
(Ne nous méprenons pas. S’il nous semble vrai que pour traverser la vie avec plénitude, l’approche transpersonnelle du Réel est efficace, il est évident que pour traverser en sécurité une rue et affronter le trafic automobile, c’est l’approche de la réalité qui doit nous guider. Chaque approche est caractéristique de l’esprit humain et doit donc être utilisée, mais à bon escient, c’est-à-dire en sachant chaque fois ce que telle approche est susceptible d’apporter en » positif « .)
Il s’agit donc d’un univers implicite, dont les lois et les principes formateurs des objets naturels ne peuvent être » connus » que d’une manière » immédiate » et intérieure, ou au moyen d’intermédiaires symboliques qui ne peuvent jamais être que des supports de passage.
B) Il existe dans l’univers une structure et un dynamisme organisateur qui ont procédé et procèdent encore et toujours avec » finalité » et » intelligence « .
La nature n’est pas le fruit du hasard ou de lois issues du hasard. Elle représente par ses manifestations des indications qui permettent d’inférer les structures et dynamismes sous-jacents.
La nature est un livre déjà écrit (nous nous démarquons fondamentalement de l’approche lacanienne pour qui le biologique est » rien « , ou » un rien » sans structure significative). Pour nous, en similitude avec l’approche jungienne nous pensons que le biologique possède déjà un langage, à côté duquel nombre de discours humains ne sont que verbiages inconsistants, la seule tâche consiste à déchiffrer son langage, ce que l’homme peut faire, car il est, lui aussi, partie issue de la nature et possède en lui ces archétypes, témoins » sacrés » enfouis en une psychè capable de conscience et de réflexion.
C) Ainsi que vraisemblablement de nombreux êtres (voire tous les êtres) ou objets naturels, l’homme est constitué d’une partie matérielle dite « grossière » et d’une partie dite « subtile », cette dernière étant préalable à la partie matérielle et lui survivant dans une certaine mesure.
De la même manière, il existe une énergie dite » subtile » qui est fondamentale à la vie et est liée au corps dit » subtil « .
On peut même penser que cette énergie et cette structure » subtiles » ne sont que deux aspects de la même chose. (Le » QI » chinois possède une structure, il n’est pas qu’énergie transférable d’un point à l’autre. Les archétypes jungiens possédant un dynamisme qui pousse les gens à agir de telle manière, ils ne sont pas que des structures de référence).
D) Le Moi de l’Homme, son » Ego « , ne peut être limité » à sa seule peau » et ne peut faire l’objet du seul souci existentiel.
Sa constitution est nécessaire à la formation de l’homme conscient et équilibré; son dépassement est nécessaire à l’accès aux structures fondamentales de l’homme et de l’univers.
Le corps et le psychisme de l’homme recèlent en leurs structures propres un analogue de l’univers. La seule analyse rationnelle (par exemple, par la description scientifique minutieuse, par l’analyse du discours ou par l’approche réductrice psychanalytique), bien qu’elle aussi soit nécessaire, est toujours insuffisante.
E) La science, dans une perspective transpersonnelle, doit pouvoir s’appuyer sur l’intuition
Enseignement pythagoricien
(Les ouvrages de Jean Mallinger : » Pythagore et les Mystères « , 1944; » Les secrets ésotérique des Pythagoriciens « ; 1946; » Les secrets ésotériques dans Plutarque « ,1946 parus tous trois chez Niclaus donnent un aspect particulier et extrêmement intéressant de cet enseignement.)
C’est Pythagore qui aurait créé le mot Kosmos (vu l’utilisation banalisée du mot français » cosmos « , nous prendrons systématiquement l’orthographe » kosmos » pour désigner l’acception pythagoricienne) pour nommer l’univers impliquant cette harmonie initiale, divine, préalable fondamental à toute réflexion sur l’homme et sur la société. (Cette « harmonie », cette « paix harmonieuse », cette entente qui existe en toutes choses existe dans l’univers (kosmos) et doit se retrouver tant dans la société que dans la famille et préside à la structure de l’âme de l’homme.) La société doit être un reflet de cette harmonie microcosmique intérieur affectif et intellectuel de l’homme) et macrocosmique que (la Nature, le Kosmos). (La société EST un reflet de l’harmonie ou de la non-harmonie microcosmique intérieur affective, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle de l’homme. Chantal Attia)
Il insiste sur la valeur de la liberté personnelle et de l’estime qui doivent être à la base d’un tel sentiment (amour non nécessairement sexualisé) : » ils (les parents) devraient essayer d’être aimés par leurs enfants, non à cause des liens naturels, car les enfants n’ont aucune prise sur cet aspect, mais de leur plein gré » (Jamblique;VP,47).
L’équilibre affectif et intérieur comme préalable à la connaissance et comme fondement de l’éducation.
….Rappelons qu’il est dit de se réjouir d’avoir fait le bien, – ce qui témoigne d’un aspect non masochiste de cet examen de conscience quotidien, règle absolue de tout pythagoricien.
Le motif de toute action devait être le bien, » le beau » ( » to Kalon » ), l’harmonie. On pourrait presque dire que sa règle était : » Fais le bien pour l’amour du bien lui-même « .
On voit par tous ces exemples que l’éducation pythagoricienne amenait à un style de vie fort proche des systèmes » naturels » et » écologiques » actuels : simplicité de vie, recherche de rapports harmonieux, éducation basée sur la Nature et ses lois.
Harmonie avec le corps, mais sans valorisation excessive
Mais sans recherche de compétitions toujours susceptibles d’entraîner l’agressivité ou un souci intempestif de performances physiques où le narcissisme joue un rôle de premier plan.
Importance de la raison et de l’approche scientifique en parallèle avec la recherche intérieure.
Les planètes (voire le ciel tout entier) résonnent harmonieusement et on peut, en méditation, « entendre » la « musique des sphères », basée sur des proportions identiques à celles de la « musique ». ((N’oublions pas que c’est Pythagore et le groupe de disciples formés par lui qui ont déterminé les premières lois physiques relatives à la musique donnant les bases de la gamme telle que nous l’utilisons encore. C’est également de lui qu’est issue le théorème qui porte son nom (et qu’il a, sans doute, pu entrevoir lors de son séjour en Egypte, où le triangle 3,4,5 était connu et utilisé). Il a souvent été avancé que les Grecs n’avaient fait que » bien vendre » les connaissances des Orientaux ou des Egyptiens. Cette manière de voir fait peu de cas d’un élément essentiel à toute approche scientifique : la théorisation en lois. Cet aspect est strictement grec; les autres traditions antiques utilisaient des recettes très élaborées, mais n’allaient pas plus loin).
Musikê était à la fois l’approche scientifique, physique et mathématique, des sons et l’art issu des » Muses « . Placer quelqu’un dans l’harmonie musicale valable permet de le guérir.
L’inonder de sons discordants ou différents de l’harmonie essentielle l’entraîne aux pires excès émotionnels. Pythagore fut ainsi le premier musicothérapeute. Nous dirons de nos jours qu’il valorisait l’importance de la pensée dite de l’hémisphère droit ainsi que cela se fait dans les nouveaux systèmes éducatifs de notre époque. Quel enseignant ou conférencier de haut niveau, si ce n’est dans une perspective transpersonnelle, commencerait ses cours en chantant ou disant un poème?
Intégration des dimensions masculine et féminine comme étant toutes deux essentielles.
Les rôles masculin et féminin étaient dans le pythagorisme bien plus à la fois égalitaires et naturels que dans toute autre tradition grecque.
Il n’a cependant jamais enseigné l’identité des rôles masculin et féminin, qui n’existe d’ailleurs pas dans la Nature: chacun doit assumer une activité qui lui est spécifique tout en étant capable d’exprimer positivement l’activité complémentaire. (Il s’agit de considérer l’activité spécifique sous forme SYMBOLIQUE en tant que principe et non en terme de « tâches » Chantal Attia)
Importance du langage.
On ne peut dire que l’approche transpersonnelle soit spécifiquement liée à l’étude du langage. Signalons toutefois que la valeur du langage était apparue au Maître qui a voulu préciser les termes qu’il utilisait et analyser leur signification. Cette tradition a été reprise ultérieurement par d’autres penseurs grecs, entre autres par Platon.
Ne voulant pas s’attribuer le titre de « sage », il aurait créé le terme « ami de la sagesse » (philo-sophos) et de la « philo-sophia ».
Il fallait donc parler peu et bien…
L’utilisation de « ko-an ».
La méthode bouddhiste zen qui force le disciple à se concentrer sur des » ko-an » est semblable et pourtant différente. Chaque » ko-an » représente une vérité,- et en ce sens, un ko-an est semblable un » akousma « . Mais un » ko-an » ne peut avoir de solution rationnelle, alors que les akousmata (comme les autres dires du Maître) bénéficient d’une réflexion rationnelle,- dans la mesure, évidemment, où le premier pas a été franchi en un stade méditatif. La méthode d’approche des concepts initiaux et fondamentaux (les archai) s’appuyait sur la réflexion concernant l’opposition de concepts l’un à l’autre.
La religion pythagoricienne, métasystème tolérant, à la fois monothéiste et polythéiste.
Pythagore n’a pas accepté les croyances grecques populaires. Il refusait l’anthropomorphisation des forces divines et ne voyait dans les mythes que des approches symboliques de phénomènes plus fondamentaux, liés à la Nature et à son intelligence.
Pythagore était proche du chamanisme par l’utilisation de ses expériences médiumniques (et par le recit imaginaire ou réel de sa katabase) et de ses capacités de clairvoyant et de guérisseur.) Son enseignement s’est toujours placé au-dessus de tout particularisme religieux. C’est ce qui a permis à l’école Pythagoricienne d’avoir parmi ses centres et au cours des siècles successifs, des membres soufi, chrétiens, ou encore hors de toute référence religieuse étiquetée tout en reconnaissant toujours l’existence de Divinité(s) qu’il y avait lieu d’honorer, créant une ordonnance dans le Kosmos.
Les approches extrasensorielles. Les communications médiumniques.
La réincarnation.
C’est Pythagore qui a diffusé la notion de réincarnation en Grèce.
Respect de la vie et de la nature.
Acceptation d’une certaine marginalité.
Pour Pythagore, il n’appartenait à personne de décider de la date de sa mort. Le suicide était interdit. On comprend ainsi d’autant mieux le Serment dit d’Hippocrate qui s’appuie sur la tradition pythagoricienne. et où l’on dit explicitement que le médecin ne pourra jamais favoriser la mort de quelqu’un, même à sa demande (ce que nous appellerions « euthanasie ») ni pratiquer des avortements. (J’ai gardé dans le texte le point de vue de Pytgagore qui permet d’éclairer certaines résistances du système médical actuel en ce qui concerne la mort, mais je ne le partage pas. En effet en raison du libre arbitre dévolu à chaque individu, chacun reste le maître de sa vie y compris dans sa liberté de décider du moment où il quittera le plan terrestre. Chantal Attia)
Voir mon site https://www.bioenergetique.com et la vidéo Que sait-on vraiment sur la réalité ?